Il fut un temps où j’achetais de belles bougies qui sentent bon, et où je n’osais jamais les faire brûler, car après, il n’y en aurait plus.
Il fut un temps où je me refaisais beaucoup et souvent les conversations dans ma tête en me disant que la prochaine fois je ferais ça ou ça. Je ne parle pas de ces moments où on a manqué de répartie, non, je parle de beaucoup beaucoup plus de moments, des plus anodins aux plus importants. Du genre “la prochaine fois que je fêterais mes 25 ans je ferais plutôt ceci ou cela”. Oui, chelou, je sais. Je crois que j’ai longtemps eu l’impression de vivre dans une répétition générale de ma propre vie.
Il fut un temps où je me disais que je pourrais faire telle ou telle chose quand j’aurais minci.
Fun fact, ayant à peu près toujours été grosse, j’ai eu conscience très tôt que les régimes étaient voués à l’échec. Je ne comprenais pas comment un changement radical dans notre mode d’alimentation (régime hypocalorique, Dukan, ou les trucs farfelus genre régimes à base de soupe au chou) pouvait faire perdre durablement du poids avec un retour à une alimentation plus classique quelques temps plus tard. Il me semblait bien que les calculs n’étaient pas bons1.
Les études me donnent raison. Les régimes se soldent dans l’immense majorité des cas par une reprise du poids (+ des kilos bonus parce que pourquoi pas). Et pas de bol, le yoyo qu’ils provoquent favorise également la prise de poids et l’augmentation du cortisol. Bref, je ne vais pas m’étendre sur le sujet qui mériterait à lui seul bien plus qu’une newsletter, alors je vous renvoi au fabuleux travail de Corps Cools sur Instagram.
Revenons-en à nos moutons. J’ai donc fait peu de régimes, et entreprit au final peu de choses pour mincir. Malgré tout, j’ai tout de même longtemps gardé cette pensée magique que tout serait différent quand je serais mince (ou si je deviens mince, je ne sais plus quelle formulation j’utilisais).
Quand je serais mince, je serais populaire. Quand je serais mince, j’attirerais enfin les mecs. Quand je serais mince, un mec pourra enfin tomber amoureux de moi. Quand je serais mince, je pourrais mettre des jupes courtes. Quand je serais mince, je pourrais faire des tatouages.
C’est marrant pour vous qui me connaissez peut-être via les réseaux sociaux, et qui pensez que je suis une meuf bien dans ma peau, à l’aise avec mon corps, y tutti quanti. C’est vrai, je le suis. Mais pas depuis toujours, loin de là.
La société m’a appris à me détester. J’ai du ré-apprendre à m’aimer. Et ça a mis du temps. J’ai l’impression d’être comme ça depuis toujours, mais en fait, lorsque je fouille dans mes souvenirs, je m’aperçois que pas du tout !
Je ne saurais faire la somme de toutes les choses qui ont participé à ce ré-apprentissage. On peut citer entre autres les compliments de mes amies2, le désir sincère de mes partenaires3, mes lectures féministes, et la bulle de diversité que je me suis créee sur Instagram4.
Un jour de 2016, folie, je prend rdv avec une tatoueuse pour me faire un gros tatouage sur la cuisse. J’ai flashé sur son flash (ça porte bien son nom cette affaire), et je ne l’imagine pas ailleurs que sur ma cuisse.
Très honnêtement, je ne sais pas d’où m’est venu cet élan de courage pour braver mes complexes. Le mot semble fort, mais c’est vraiment comme ça que je l’ai vécu à l’époque. C’était en 2016, à la fois il y a longtemps et pas longtemps. Je trouve que les choses sont allées très vite ces derniers temps en terme d’accès à des ressources pour niquer nos complexes et revendiquer notre place.
Là où c’est beau, c’est que cela crée un cercle vertueux. Ce simple tatouage sur ma cuisse a débloqué un nouveau niveau d’acceptation, et a contribué à me donner confiance en moi. J’ai pu constater que la terre ne s’est pas arrêtée de tourner parce que j’ai osé tatouer ma cellulite. C’est donc qu’on peut continuer à faire des choses que l’on ne pensait pas pour nous.
Je le dis comme si ça avait été facile à l’époque, mais ça n’était pas du tout le cas. Poster cette photo de mon tatouage sur Instagram a été compliqué. Je m’attendais à un cataclysme. Au minimum.
On est pas dans une répétition générale en fait. On peut vivre pour de vrai. Dans notre corps de maintenant. Sans attendre qu’il soit plus mince, plus lisse, plus conforme aux attentes de la société.
Ça parait simpliste comme raisonnement. Ça l’est sans doute. Mais, je crois que, parfois, avoir des réalisations qui permettent d’être plus en paix avec soi même, ça peut aussi être simple. Tout ne passe pas nécessairement par des années de psychothérapie ou la compréhension que tout est politique. Parfois, revenir à du plus basique, ça aide.
Je parle beaucoup et souvent du corps, de mon rapport à mon corps, mais en fait, la conclusion c’est qu’on s’en fiche un peu.
Hein ? Quoi ? Mais elle débloque ?!
Ben ouais, la grande conclusion de tout ça, ça serait qu’on s’en fiche un peu de tout ça au final. Notre apparence est tellement peu importante face aux grandes choses que l’on vit dans notre vie. On passe tellement d’heures à imaginer ce que serait notre vie si on était autrement, au lieu de pleinement la vivre notre vie.
Sans déconner, imaginez qu’on vous redonne toutes les heures passées à vous critiquer, à vous regarder à la loupe, à vous inspecter devant le miroir, à vous détester, à choisir votre prochain régime ou votre prochaine crème anti-cellulite, à pincer ici ce bourrelet, là cette poignée d’amour, à jalouser les femmes aux corps parfait dans les magazines ?
Vous en feriez quoi de tout ce temps rendu ? Racontez moi !
Kévin
mes meufs sûres, je vous aime
je ne parle pas des losers qui veulent juste se taper une grosse
que j’ai mis du temps à me construire, tant on est bombardé·es d’injonctions à la minceur là bas.
Je me retrouve bien dans tout ce que tu dis, d'autant que je suis pas dans un rapport hyper sain et apaisé avec mon corps ces derniers temps... Je me compare trop, je me désole du poids pris, des photos de moi qui me semblent affreuses et me dis que la vie serait plus légère si j'étais plus mince. Pff, j'ai beau savoir que c'est faux, je n'arrive pas, ces temps-ci, à totalement lâcher prise. J'ai pas de conclusion à ce commentaire, si ce n'est que je te remercie pour ta sincérité (et ptet qu'un jour je retrouverai la légèreté, j'ai bon espoir à te lire :))
Je suis toujours très touchée de lire tes mots sincères et poignants. Merci pour ce partage Azilis.