La semaine dernière, j’ai été à l’hôpital. Rien de grave, je vous rassure, juste une consultation et un acte prévu de longue date1 .
J’ai la chance d’être plutôt en bonne santé, et donc de ne pas connaitre l’hôpital public. Du coup, il a fallu que je me fasse enregistrer à l’accueil de l’ophtalmologie (même si je venais pour le service maxillo-facial). Sur la machine qui distribuait les tickets pour attendre son tour, il était écrit partout en gras souligné de ne prendre un ticket que si on vient pour l’ophtalmologie. Ah mince, je fais quoi du coup ? Comment les dames de l’accueil vont savoir que j’attends si j’ai pas de ticket ? J’interromps une dame de l’accueil pour lui demander, elle me dit de prendre un ticket. En toute logique donc.
Une fois ce premier enregistrement fait, je me refais enregistrer à l’accueil du service maxillo-facial. S’en suit une attente de 1h30. La médecin appelle mon nom, me fait rentrer dans son bureau. Deux autres personnes en blouses nous suivent. Aucune ne se présente. Je ne sais pas si elles sont médecins ? Internes ? Infirmières ? Si elles sont rentrées parce qu’elles ont vu de la lumière ?
La médecin me demande pourquoi je viens, je lui raconte donc mon parcours de serrage de dents et des choses mises en place pour aider. Pendant que je parle, elle est interrompue par quelqu’un qui frappe à la porte, parle aux deux autres personnes présente, part, revient. Je ne sais plus trop, c’est un peu flou. Au début, je m’arrête de parler quand elle est interrompue, mais je comprends à son regard qu’il faut que je continue à parler pendant qu’elle fait autre chose.
Au téléphone avec je ne sais qui, elle me fait signe d’aller sur la table d’examen. Une des 2 autres personnes regarde mes dents avec des abaisse langue. La médecin arrive, fait pareil. Elle confirme que je serre des dents sa mère. Elle me dit “bon, vous voulez qu’on le fasse maintenant le botox?”. A ce stade, elle ne m’a rien expliqué de la procédure ni rien. Je lui pose la question : en quoi ça consiste ? Est-ce qu’il y a des effets secondaires ? Est-ce qu’elle a de bons retours de la part de ses patient·es ? Elle répond ultra rapidement à tout ça. Pendant ce temps là, l’autre personne met du désinfectant sur des compresses. Je remercie intérieurement les copines de Twitter dont j’ai pu lire les témoignages qui m’ont bien plus renseignés que ses réponses rapides.
Elle me dit “bon, les sensations au niveau des injections, vous verrez c’est pas ouf”. C’est pas ouf, ça voulait dire ça fait mal. Je confirme, et je ne cache pas ma douleur. Pas un mot compatissant de sa part. Elle me dit de revenir quand ça ira de nouveau pas bien. Merci, au revoir. Non, aucun des deux en fait.
Je ressors de là un peu sonnée. Reconnaissante bien sur d’avoir accès à ce type de soins remboursés, mais vraiment sonnée de l’accueil que j’ai reçu. Cette newsletter ne se veut pas à charge contre les soignant·es. Je ne peux qu’imaginer à quel point les conditions de travail sont dures au vu du démantèlement de l’hôpital public qui est à l’œuvre depuis plusieurs années.
J’ai travaillé dans des conditions “pas ouf” aussi. En temps qu’assistante sociale dans un service de pédopsychiatrie. Je recevais les familles dans le cadre de la prise en charge de leur enfant. Et si vous saviez le soin que nous apportions à bien les accueillir. Ne pas mettre de bureau entre nous, avoir des mouchoirs discrètement à disposition, offrir un café, un gâteau, les raccompagner au métro pour leur éviter un trajet de bus de 45 minutes.
Cela voulait dire aussi prendre soin de leur parole. Poser des questions ouvertes. Éviter les questions avec des négations et des formulations qui orientent trop leurs réponses (je me souviens d’une gynéco qui lors d’un premier entretien m’avait demandé “vous n’avez jamais subi de violences, hein ?”. Alors, c’est sympa d’y penser, mais c’est compliqué de répondre autre chose que “non” à cette question quand elle est formulée de cette manière).
Prendre le temps, parler posément, expliquer la manière dont on travaille, rassurer avant même de sentir l’inquiétude, mais aussi donner de soi. Là où je travaillais, on accueillait beaucoup de récits de vie de la part des familles. A mon sens, ça ne peut se faire sans parler un peu de soi, sans tomber dans une proximité excessive, mais juste pour s’humaniser auprès de nos interlocuteurs. On est pas celleux qui savent mieux qu’eux. On est juste des humain·es et on est là pour les écouter. Et surtout, se rappeler que si pour nous, c’est une journée ordinaire de travail, c’est peut-être pour elleux la première fois qu’iels ont à répondre à ce type de questions.
Je racontais ma mésaventure à une amie travailleuse sociale qui m’a très justement dit “mais dans le social, c’est de la dentelle qu’on fait au niveau de l’accueil des personnes”. Elle a tellement raison, une dentelle délicate, et unique.
Je n’oppose pas le soin et le social, il y a aussi bien des services sociaux où l’accueil est déplorable (et sans surprise, on peut encore l’attribuer au manque de moyen qui pousse les travailleurs à leurs limites et font qu’iels ne peuvent plus accueillir correctement les personnes).
J’ai changé de domaine d’activité maintenant. Je suis photographe, et je travaille avec des professionnels. Et je m’aperçois, que même dans mes relations avec mes client·es, j’ai gardé à l’esprit ma manière de faire héritée du travail social : j’explique ma manière de travailler, de manière détaillée (c’est parfois la première fois qu’iels travaillent avec une photographe), j’invite à poser des questions, mes devis sont ultra détaillés. Je tiens vraiment à créer un climat de confiance. C’est important pour moi, et visiblement d’autant plus car c’est ce que j’aime expérimenter en retour.
Je me souviens très bien de ma psy qui m’appelait par mon prénom en me disant bonjour, et qui me demandait si je voulais une tisane. Ces deux petites actions qui ne coutent rien 2 et ne prennent pas de temps me faisaient me sentir accueillie. Comme si en arrivant, je venais me lover dans un gros pouf tout doux qui épousait les contours de mon corps pour me soutenir tout en douceur.
Juste ces 2 petites choses étaient déjà thérapeutiques.
Ces attentions me faisaient me sentir unique, respectée, attendue. Un sentiment de sécurité qui devient rare, mais qui est tellement important, vous ne trouvez pas ?
pour me faire injecter du botox dans la mâchoire pour améliorer mon serrage de dents qui est tel que je me suis pété un bout de molaire et un composite sur cette même molaire la semaine d’avant.
la verveine venait de son jardin
Un peu tragi-comique, cette histoire.
Le plus triste dans tout ça c'est de se rendre compte que ça se perd, de n'être ne serait-ce que poli avec les autres, sans forcément même l'être de manière "positive"...
Il faudrait commencer par soi, des petits pas comme tu le fais avec tes devis par exemple et on rendrait peut-être le monde un peu plus beau...
🧡🧡🧡