Je crois que j’ai trouvé depuis fort longtemps du plaisir dans l’habillement. Depuis l’adolescence c’est important pour moi, j’ai suivi les modes, de plus ou moins loin, me les appropriant ou m’en éloignant parfois délibérément.
On ne va pas se raconter de carabistouilles, l’exercice se complique et peut même se changer en véritable calvaire quand on est grosse. Et encore, je me situe en bas de l’échelle de la grosseur, et mes difficultés d’accès à l’habillement sont sans commune mesure avec celles de personnes plus grosses.
Je vous renvoie à ce post de Corps Cools sur Instagram qui explique cette idée d’échelle dans la grosseur en donnant des exemples concrets pour vous situer et/ou comprends les défis d’accessibilité de plein de choses de la vie quotidienne quand on est grosse.
Beaucoup de choses ont été écrites sur les épreuves de la cabine d’essayage. Que l’on soit grosse ou pas d’ailleurs, les cabines d’essayage sont un engin du démon. On dirait que tout est fait pour que l’on achète pas les vêtements : la lumière blafarde des néons qui te créent de la cellulite là où tu ne savais pas que tu en avais, le rideau qui tient à peine fermé manquant de dévoiler ton postérieur à qui veut, les vendeuses qui ouvrent le rideaux d’un coup, bref, je crois qu’on est nombreu·ses à ne pas avoir de super bons souvenirs d’essayage de vêtements…
Tu rajoutes à ça le sizing éclaté au sol qui fait que rien ne te va, et on est sur une grosse ambiance 🥲
Pour moi, la félicitée est arrivée grâce à l’installation de NewLook à Toulouse. Whaou, enfin des vêtements qui m’allaient, dans un style qui me plaisait (et pas un style vaguement mémère comme beaucoup de vêtements grande taille). Je pouvais renouer le plaisir d’essayer des vêtements, de voir ce que telle coupe ou tel tissu donnait sur moi.
J’en parle au passé car NewLook a fermé il y a quelques années, et croyez moi j’ai pleuré ce jour là… (fun fact pas si fun : je vis à Toulouse, une grand ville, et à part C&A et Marina Rinaldi, il n’y a plus au centre ville un seul magasin qui propose des vêtements en grand taille, c’est assez incroyable comme concept n’empêche…)
J’ai beaucoup appris de ces nombreux essayages de vêtements : j’ai appris à repérer les coupes qui me vont, qui sont confortables, j’ai appris à débusquer du premier coup d’œil les vêtements qui seront trop long et à voir s’ils seront facilement raccourcissables ou si c’est peine perdue, j’ai appris à fuir certaines matières désagréables, etc… L’air de rien, ça m’a donné de sacrée compétences pour acheter des vêtements de seconde main !
Cela m’a aussi appris à ne pas donner au vêtement plus de valeur qu’il n’en a. Un vêtement est une pièce de tissu pour nous habiller, il n’a pas de valeur intrinsèque, il n’a pas le pouvoir de diminuer ou d’augmenter notre valeur à nous.
Laissez moi vous expliquer ce que je veux dire par là…
Le début de mon âge adulte a été marqué par les émissions de relooking de Cristina Cordula et William Carnimolla (Belle toute nue). Si j’ai très vite détectée la grossophobie de Cristina, j’ai eu plus de mal à voir le problème avec l’émission belle toute nue. Et ben punaise, avec le recul, je vois à présent à quel point cette émission était ultra violente…
Un petit résumé du concept si vous ne le connaissez pas : une femme complexée, très complexée par son corps, passe quelques jours pour se faire relooker par William. Il y a des passages obligés dans cette émission : se regarder en sous-vêtements devant un miroir (j’en vois déjà certain·es d’entre vous frissonner d’horreur, bah ouais, rien que ça, ça n’est pas évident pour tout le monde).
Toujours en sous-vêtements, la personne devait se positionner selon ce qu’elle pensait être sa place parmi une brochette de femmes en sous-vêtements classées de la plus mince à la plus grosse. Systématiquement, les personne se voyait plus grosse qu’elle ne l’était. Et la conclusion en mode “tu vois, c’est pas si pire, t’es pas si grosse” était sans doute extrêmement agréable à entendre pour les personnes plus grosses qui jouaient les figurantes 🤡
Enfin, bien évidemment, pour le relooking, il fallait absolument enfiler une gaine pour “être mise en valeur” par les vêtements, et cacher ce qu’il faut cacher (le gras donc). Le style vestimentaire choisi était toujours le même : la taille marquée, la poitrine soulignée, des talons, et un style plus ou moins pin up/rétro.
Bah ouais, parce que, voyez-vous, les seules formes acceptables quand on est grosses, se sont des formes lissées par une gaine pour ressembler à un sablier.
Tu préfères les robes oversize ? Les pantalons skinny ou pattes d’eph ? Tu adores les gros sweat pilou ? Tu veux porter des crop top ? Aïe, pas de bol ma chérie, ça c’est pas pour toi, tu comprends ça ne te mets pas en valeur.
En valeur.
Valeur de quoi je vous le demande ?
La remise en question de cette construction sociale a eu un énorme impact sur mon quotidien. Une norme qui fait qu’on intériorise que les vêtements doivent nous mettre en valeur. Que les formes de notre corps ne sont acceptables que sous certaines conditions, qu’il faut en cacher une partie, impérativement. Qu’il faut tout faire pour paraitre le plus mince possible. Qu’il faut accentuer les parties désirables aux yeux des hommes (mais pas trop quand même, il ne s’agirait pas d’être vulgaire non plus)
On est dans une injonction paradoxale qui rend zinzin. Accepte toi, mais pas comme ça. Porte ce qui te plait, sauf ça et ça parce que ça te mets pas en valeur (= on voit que tu es grosse). Trouve ton style, mais soit féminine, tu n’as pas d’autre choix. Exprime ta personnalité et ton style au travers de tes vêtements, mais uniquement dans des coupes flatteuses s’il te plait.
J’en avais parlé dans ce post Instagram il y a 4 ans. C’était la première fois que j’osais acheter un gilet large ( celui de la photo, si si, il était large pour moi à l’époque ! ). Je me rappelle encore de mon hésitation dans la magasin (NewLook sans surprise…). J’avais quasiment l’impression de briser une loi. Alors qu’aujourd’hui, ce gilet est l’un de mes préférés et je le porte tout le temps sans plus jamais le trouver large ou pas.
C’est juste mon gilet léopard. Ni plus ni moins. Il ne fait pas de moi une personne différente. Je suis toujours moi, Azilis, avec mon histoire, mon caractère, mes envies, ma personnalité.
Je suis surprise d’avoir tant changé sur le sujet en 4 ans, comme quoi la déconstruction des normes sociales est à la fois rapide et lente, et emprunte des chemins parfois aussi inattendus qu’un gilet !
Pardon mais ce carré on en parle ? Tellement belle petite citron des bois. Et ce gilet te vas de ouf mais au final, tant que tu te sens bien dedans, le reste mais OSEF à balle !
J'aime tellement te lire et bordel je me souviens de ces deux émissions que je regardais aussi, avec le recul, bordel de cul : la violence... :'(
Ah se mettre en valeur, nan mais ni*uez-vous avec cette phrase à la con !
Ahlala comme tout ça me parle... 🥺
Déjà petite pas vraiment grosse (quand je regarde des photos maintenant) mais assurément plus grande (et grosse) que mes copines toutes maigres, ma mère qui m'achetait des vêtements un peu larges pour cacher et "mettre en valeur"... elle pensait bien faire, et la pauvre est là dedans aussi alors qu'elle n'a objectivement jamais été grosse (mais très mince dans sa jeunesse donc forcément l'être moins après dans une société comme la notre, j'imagine que bon..) : c'est vraiment un serpent qui se mord la queue.
Et aujourd'hui encore j'ai du mal à sortir de ça. J'ai un jean Kiabi acheté l'an dernier, désespérée de ne pas trouver un jean à ma taille qui soit confortable, il est coupé un peu large, en mode 90's kid (enfin je le vois comme ça) et j'aime bien le mettre avec mes t-shirts favoris, des chaussettes colorées car on les voit et des baskets pour avoir l'air d'une ado (dans ma tête) les jours où je veux être plus confort qu'en jupe/collants habituels 😅 et j'ai beau être super bien dedans, quand je croise mon reflet dans les vitres (car pas de miroir en pied chez moi) j'ai cette vilaine pensée qui me dit que quand même, il me met pas en valeur 😓 bon après je passe à autre chose parce que ma façon d'essayer de sortir de ça c'est d'ignorer ces pensées, mais je sais pas si ça marche, on verra !
Merci pour tes mots qui me parlent toujours beaucoup ❤️