Je ne vous apprends rien en vous disant qu’Instagram n’est pas le reflet de la réalité.
Et alors autant vous dire qu’en ce début d’année 2023, entre les récap de l’année 2022, et les objectifs et résolutions pour l’année qui commence, on est pas loin du pompon sur la Garonne !
Encore que je trouve que depuis cette année nous voyons de plus en plus de disclaimers qui avertissent que ces récap ne montrent que les bons et beaux moments, et qu’il ne faut pas se laisser berner par ça, et surtout ne pas s’en servir de point de comparaison par rapport à sa propre vie qui a bien des chances de paraitre terne et fade à côté.
On se doute bien que la vie de cette influenceuse maman de trois enfants qui ressemblent à des images d’Epinal fait l’impasse sur les nuits d’insomnie, les virus et la nounou qui démissionne sans préavis. On se doute bien que cette photographe culinaire ne se nourrit pas tous les jours de bons petits plats mais plutôt de tartines (oops, ça c’est moi). Mais je trouve qu’il y a un endroit où c’est particulièrement pernicieux, c’est dans tout ce qui touche l’entreprenariat au sens large.
Je le vois par exemple pour échanger en privé avec certain·es artisanes, créatrices ou autres “petites” marques ou boutique. Malgré des feed instagram magnifiques et des stories toujours au top, il arrive que la réalité économique ne suive pas. Mais genre pas du tout. Sans compter les créateur·ices qui ont un job alimentaire à côté qui n’est jamais mentionné sur Insta. Et qui donc ont des doubles journées (voire triple si on compte le community management !). Je suis reconnaissante de connaitre ces coulisses. J’ai encore plus de respect et d’admiration pour leur travail.
Je suis moi même concernée, étant photographe freelance. Je montre sur mon compte instagram beaucoup de mon quotidien, et plutôt des choses positives. J’y partage aussi des moments professionnels : des shooting photo, des moments de retouche sur mon ordi, et même des moments où j’écris cette même newsletter !
Et lorsqu’il m’arrive de croiser des copines ou des connaissances qui me suivent sur Insta, leur discours est toujours le même : “ohlala, mais dis donc tu cartonnes sur Insta, c’est vraiment super, ça a l’air de trop marcher pour toi!”.
Ahahahah
Ahah
Ah.
La réalité c’est que mon nombre d’abonné·es stagne depuis 2 ans (parce que je refuse de jouer le jeu demandé par l’algorithme), et que j’ai du faire 3 collab rémunérées à tout casser l’année dernière. Le reste de mon travail freelance est également très faiblard, je suis loin, très loin, des objectifs de CA que je m’étais donnés pour avoir une activité qui me permette de vivre comme je le souhaite ( = payer mes factures, pouvoir m’offrir quelques extras, et mettre de l’argent de côté, hein, rien de très Bernard Arnault-like ). Pour être tout à fait transparente avec vous, je suis à quelques mois de devoir reprendre un boulot salarié.
Ça fait mal de l’écrire, j’avoue. Parce que je vois comme un échec, parce que ça me donne l’impression d’être nulle dans ce que je fais, parce que je me dis que, vraiment, je n’ai pas su rentabiliser ce coaching business que je m’étais offert. Et surtout, la comparaison. La comparaison via la fenêtre ouverte d’Instagram.
C’est un peu comme quand tu marches dans la rue, et que tu lèves les yeux pour regarder les appartements aux pieds desquels tu passes. Tu aperçois ici des moulures au plafond, là une tenture aux couleurs rasta. Il n’en faut pas plus à ton cerveau pour s’imaginer le reste de la vie des gens, avec le peu que tu aperçois de leur chez eux.
J’ai l’impression, déformée je le sais, que toutes les autres photographes culinaires croulent sous les clients. Quand je vois passer des stories en mode “et voilà, 8 recettes shootées aujourd’hui, encore 17 jusqu’au week-end, hihihi”, ou bien “j’ai plein de nouveaux clients cette année, il faut vraiment que je travaille sur mon organisation” et autres partages de to-do list garnies comme des paniers de bonbons à Halloween.
Alors que moi je me sens comme ça devant mon agenda bien trop vide :
J’ai envie de leur dire “hey, si t’as vraiment trop de travail, laisse-en pour les autres, non ?!”
J’ai une part de moi raisonnable et qui garde la tête sur les épaules qui vient me rassurer, et me dire que ça n’est pas vrai, pas pour tout le monde. Il y a (beaucoup) de photographes qui galèrent, on le devine parfois dans certaines stories ou publications.
Parce que oui, comme Instagram est notre vitrine, on ne peut pas dire “punaise c’est la merde j’ai zéro clients” parce que ça la foutrais mal devant nos potentiels clients justement 🤡.
Je ne sais pas qui a décrété ça, mais, c’est un fait, il FAUT avoir l’air occupée pour attirer le chaland, il faut se montrer déjà en réussite pour donner envie aux client·es de se projeter bosser avec nous.
Ce masque est lourd à porter. Je ne souhaite pas renvoyer une image de working girl toujours super occupée, qui croule sous le travail (image réaliste ou exagérée pour les besoins du business). Parce que ça n’est pas ce que je suis, et encore moins ce à quoi j’aspire.
Alors, comme à mon habitude, je navigue dans un entre-deux dans lequel je me sens confortable. Je montre avec grand plaisir le travail que je réalise pour mes client·es, parce que j’en suis fière et que j’ai la chance d’avoir des client·es en or massif. Je joue le jeu de “hey, regardez, je suis occupée, venez travailler avec moi vous aussi”, et peut-être que certaines photographes pestent contre moi parce qu’elles pensent que je travaille trop et que je devrais leur laisser du travail 😂.
J’ai l’impression que, quoi que l’on choisisse de montrer sur Instagram, quelles que soient nos intentions, c’est obligatoirement passé à travers un filtre déformant. Un filtre déformant qui va changer selon chaque follower, et qui va donner des interprétations qui seront différentes. Il faut garder cela à l’esprit en tant qu’utilisateur·ices de la plateforme, mais également en tant que spectateur·ice.
Je serais vraiment curieuse de savoir comment vous gérez ça de votre côté, que vous utilisiez Instagram pour votre business ou pas. Vous pouvez laisser un commentaire à cette newsletter ou y répondre si le coeur vous en dis de papoter !
Pour ma part, j'ai l'impression que les RS sont à l'origine d'une recherche de la performance dans les loisirs voire dans les tâches du quotidien (alors que l'exigence de performance est toujours plus pesante au travail...) : partage des performances en sport, des présentations des plats cuisinés, des livres lus, recherche de la meilleure organisation pour faire entrer tout ça dans l'emploi du temps, etc. Pour ma part, j'ai appris à prendre mes distances avec ce genre de partage. Mon we idéal en ce moment : regarder Gilmore girls en pyjama en buvant du capuccino instantané. C'est tellement pas instagramable, tellement pas créatif, mais tellement reposant. 😁
Force et courage pour le retour au salariat.
Bonjour,
Ça m'a fait du bien à lire. Même si je ne suis pas du tout dans le monde de l'entrepreunariat.
Parce que ce rappel fait du bien. Aussi cette phrase sur le coaching "rentabiliser ce coaching business que je m’étais offert". On nous vend le coaching un peu comme solution miracle pour tout un tas de sujet. Mais ce n'est pas vrai. On peut avoir investi du temps et de l'argent dans un coaching et ne pas en retirer autant de bénéfices qu'annoncer ou espérer (en regardant les résultats prétendus ou non d'autres coachés). Et ce n'est pas forcément nous le problème dans ce cas là.
Je vous souhaite un bon dimanche. Et une belle semaine dans une période qui n'est pas facile